Quel est le Sommiérois qui n'a jamais pesté après son horloge, quel est celui qui n'a jamais voué à la casse cette mécanique qui s'arrête pour un oui ou pour un non, dont la discordance entre les aiguilles et la sonnerie va en s'amplifiant, sans parler de la voix de plus en plus fêlée de sa cloche ?
Et pourtant ! De l'horloge elle-même nous savons fort peu de choses. La mention la plus ancienne en est faite pendant le siège de 1573 : le capitaine Montpeyroux se réfugia avec quelques soldats dans la Tour de l'Horloge, les assaillants les enfumèrent en mettant le feu à des fagots sous la voûte, la fumée montant « par les trous où passaient les contrepoids ». Les meutrières, côté rue du Pont, conservent les traces des coups de mousquets qui saluaient les assiégés venant respirer un peu d'air frais. Le mécanisme actuel a été posé en 1890, une dizaine d'année après la réfection du cadran. Voilà donc près d'un siècle de service qui peut nous inciter à l'indulgence.
La cloche, elle n'a aucun secret : elle est datée de 1613. pèse 26 quintaux et quarante-six livres, elle a été posée le 22 octobre 1657 pour remplacer une cloche beaucoup plus petite qui était fêlée (déjà !). C'était, à l'époque, le seul moyen de communiquer avec la totalité de la population. elle servait aussi bien à appeler les consuls en assemblée qu'à avertir les habitants d'un danger quelconque, incursion de bandes armées, alerte au feu ou annonce d'une crue du Vidourle ; elle a d'ailleurs rempli cette dernière mission jusqu'à la pose relativement récente des sirènes électriques. Cabane, dans ses Annales, raconte en détail comment ce monument fut mis en place en présence de Monsieur Mongremier, premier consul, comment arrivées à la hauteur d'une canne les cordes se rompirent et la cloche tomba sans se casser, mais en faisant un enfoncement considérable à la voute du pont. On peut supposer malgré tout que cette chute n'est pas étrangère à la fêlure qui rend si peu harmonieux le son de sa voix. Malgré cette imperfection elle figure à l'inventaire des monuments historiques depuis 1912.
Pour les amateurs de chiffres, précisons que la grande aiguille mesure 1,35 m, sa pointe parcourt donc plus de 8 m à l'heure, 200 m par jour, soit en 94 ans plus de 7 000 kilomètres, Quant à la cloche, depuis 327 ans à raison de 336 coups par jour, sans compter les alertes au Vidourle ou les assemblées de Consuls, elle a supporté plus de quarante millions de coups de marteau. Bel exemple de solidité, de fidélité, de services rendus ! Alors Mesdames et Messieurs les élus si vous entendez certains esprits chagrins dire un jour que notre horloge marche... comme les affaires de la ville, sachez apprécier ce compliment à sa juste valeur. Ce sont d'ailleurs ces mêmes esprits chagrins qui nous accuseront d'être allés chercher midi à quatorze heures !
Texte : J.L. RENARD
Comments